lundi 15 octobre 2012

Notre émission du 12 octobre:Philippe Grandrieux, une rencontre avec l'explorateur des beautés convulsives

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Ma première fois, nous étions trois dans la salle de cinéma. C'était une des dernières journées chaudes de l'automne et il était clair que personne n'aurait envie de se terrer dans une salle de cinéma.
Il faisait bien trop froid dans la salle, l'air climatisé était  mal calibré. Dès les premières minutes du film, je grelotais. "Sombre" s'ouvre: les cris des enfants, la respiration haletante de Jean, le personnage principal, vient se conjuguer au froid. L'entrée en matière est brutale.
J'allais voir "Sombre" de Philippe Grandrieux pour deux raisons: la bande-annonce m'avait fait une promesse et je voulais savoir si elle serait tenue.  J'espérais que le film me fasse plonger dans une part de moi-même que j'avais terriblement besoin de retrouver; la part qui devait de toute urgence laisser respirer la bête et qui pourtant, avait tout autant envie d'aimer. Cette hasardeuse conciliation, ce travail de toute une vie (ce sera le mien dans tous les cas), j'espèrais que "Sombre" m'en parlerait. J'allais aussi voir le film parce que j'espèrais y trouver le murmure d'un conte,  quelque chose qui n'a cure des cadres de l'Histoire et de la géographie.
La fable amoureuse de Jean, ce loup, ce dévoreur de femme et de Claire, la vierge que rien ne rattache à la vie, je l'ai recu en profondeur en pleine conscience. Tout ce dont j'avais besoin était là. Il fait froid dans la salle, je suis en colère et j'ai envie de toucher une chair que je ne connais pas. L'image à l'écran est miroitante comme une voile qui n'attend qu'à être déchiré.
La deuxième fois, ce sont les années à attendre un autre de ses films qui m'ont convaincues d'aller voir "La Vie Nouvelle". Dans une salle pleine à craquer, à une époque où il m'était impossible d'être entouré d'autant de mes semblables sans perdre mon calme, je visite cette terra incognita filmique où les chiens ont des faims terribles et le bruit des cheveux coupés ressemble à celui de l'écorce qu'on gratte. J'y trouve d'autres réponses, d'autres beautés dont j'avais plus que jamais besoin. Et quand "La Vie nouvelle" basculera invariablement dans cet autre monde, comme peu de film l'ont fait, je pense comprendre quelque chose de Grandrieux et de son cinéma: voilà le travail d'un explorateur, quelqu'un pour qui tout est à revoir avec un oeil qui nait, au delà des diktats du laid ou beau. Ce soir là, je sortirai du cinéma avec celle qui partage ma vie et nous aurons une altercation. Elle a peur qu'il y ait chez moi une certaine complaisance dans la "morbidité"... 
Et puis, c'est le temps d"Un Lac"...
Je n'ai qu'un seul mot dans la conscience après le film. La Grâce. La vraie. Celle qui est largement au delà du plaisir ou de la souffrance. Et c'est à ce moment que je suis tombé amoureux de lui.
Le cinéma de Grandrieux n'aspire pas à la mystique ou à la transcendance. Par contre, il parvient à  nous en faire vivre de fugaces instants. Pour ça, je veux simplement lui dire merci. 
Cette semaine, le 7ème antiquaire recoit l'explorateur pour parler tout simplement du monde.
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